Depuis plus de trois ans, ce qui était évident ne l'est plus, ce qui était dans l'ordre des choses ne l'est plus, ce qui semblait acquis s'est dissout.
Depuis plus de trois ans, je fais l'expérience de la mort brutale et injuste qui s'approprie une histoire inachevée d'à peine 20 ans, d'une histoire d'amour soudainement fragile dont il faut prendre soin, de diagnostiques médicaux effrayants brutalement posés, de la souffrance, puis du décès, encore, d'un des nôtres et de l'apprivoisement, jour après jour, d'une maladie improbable et errante qui s'est insinuée dans la vie de la chair de ma chair à l'âge où on ne devrait pas avoir à vivre au quotidien avec cette pénible réalité.
Le sens de la vie n'est alors plus tout-à-fait le même, il faut réapprendre ce que l'on savait à la lumière de l'expérience, ça change tout. Tout est déformé, le doute prend la place des certitudes, la peur celle de la confiance. Dans la tête, ça tourne alors que dans le coeur ça ralentit, et parfois ça gémit.
La vie devient alors urgente, il faut comprendre ce qu'il y a à comprendre et abandonner au mystère ce qui ne peut pas l'être. Les réflexions s'enchaînent, les priorités prennent une forme nouvelle. Mais ça ne se fait pas tout seul, c'est lent, ardu, on n'y croit plus et soudain une lumière s'allume, puis une autre. Des évidences se hissent péniblement au niveau de la compréhension et, fragiles encore, bousculent néanmoins la tristesse et le découragement.
Vous est-il déjà arrivé de prendre de la distance et de vous observer alors que vous vous agitez avec des doutes et des peurs, justifiés peut-être mais complètement inutiles, avec la furieuse envie de réintégrer la vie, la vraie, celle qui vous pousse en avant ? Cela m'est arrivé il y a peu et c'est ma première confidence. D'autres suivront.
La photo de ma page date de décembre. Oui, nous avons eu des journées magnifiques avant Noël, ce n'est pas courant dans un pays où la neige se pointe souvent en novembre déjà. Pour ce jour-là, j'ai reçu la consigne de me tenir prête à 9h00 du matin et de m'habiller pour une activité à l'extérieure.
Mes enfants avaient décidé que nous fêterions mon anniversaire sur lequel nous avions fait l'impasse en octobre. Deux équipes se sont mises en place. L'équipe cuisine composée de Flavie, Emilie et Arnaud ont pris possession de ma cuisine et l'équipe animation dans laquelle on retrouve celles qui ne vibrent pas au mot de "cuisine", Chloé et Morgane. Maëlle, le numéro trois de mes petits-enfants nous a accompagnées. Que du bonheur. Les filles m'ont fourré une étrille dans une main, puis expédiée dans le boxe d'Houdina avec la mission de la brosser jusqu'à ce qu'elle brille. Là, il y a eu du boulot. Ensuite, elles ont sellé l'animal rutilant et m'on aidée (et oui, je n'ai plus 20 ans non plus) à prendre place sur ma monture. Et nous voilà parties pour une balade géniale d'une heure et demi. J'ai même tenté des petits trots et poussé la chansonnette à plusieurs reprises au grand désespoir de Morgane ! A mon retour, tout le monde était à la maison et, à la manière des irréductibles Gaulois, nous avons terminé l'aventure autour de la table de la cuisine. Que demander de plus ? Rien, parce que ce genre de bonheur, ça ne s'invente pas, ça se vit à fond, ça se partage et se boit comme du petit lait. Je suis chanceuse d'avoir autour de moi des personnes qui ont à coeur de me faire autant plaisir.
Je suis bien bavarde aujourd'hui, mais je pense que la guérison passe aussi par la parole et le partage des instants de vie pénibles. A tout vouloir garder en soi, on retire à la vie, peu à peu, toute sa saveur, toute sa valeur. On s'enferme dans une non-vie qui n'est pas digne du cadeau qui nous est offert chaque jour.
Merci de m'avoir lue jusque là et merci à toutes celles et ceux qui se reconnaîtront et qui sont pour moi des personnes précieuses, des cadeaux de la vie.
Etre juste là et savourer sans
se poser de questions l’instant
qui s’offre, le bonheur de
savoir que ce moment est
un moment d’exception.